Black Lens Black Light
Organisateurs : Archive Kabinett (Berlin), Khiasma (Paris)
Participant-e-s :
Black Lens (Paris): Erika Balsom, Zach Blas, Christa Blümlinger, Jephthé Carmil, The Otolith Group (Kodwo Eshun & Anjalika Sagar), Denise Ferreira da Silva, Ciaran Finlayson, Ayesha Hameed, Onyeka Igwe, Nadia Yala Kusikidi, Nadir Khanfour, Olivier Marboeuf, Bonaventure Soh Bejeng Ndikung, Arjuna Neuman, Rachel O’Reilly, Lorenzo Pezzani, Ruth Wilson Gilmore & Mawena Yehouessi (Black(s) to the Future)
Black Light (Berlin): Phanuel Antwi, Eric de Bruyn, Mustafa Emin, Emma Haugh, Louis Henderson, Suza Husse, Quinsy Gario, Natasha Ginwala, Raphaël Grisey, Sabine Groenewegen, Bettina Malcomess, Diana McCarty, Doreen Mende, Jota Mombaça, Arjuna Neuman, Rachel O’Reilly, Camilla Rocha Campos, Krista Belle Stewart, Wendelien van Oldenborgh, Moro Yapha, Marika Yeo, Vivian Ziherl
Dates : mars – octobre 2018
Lieux : Archive Kabinett (Berlin), Kinematek (Karlsruhe), La Colonie (Paris), MK2 Beaubourg (Paris)
A l’occasion de l’exposition conjointement signée par les artistes Filipa César et Louis Henderson Op-Film: An Archaeology of Optics à l’Espace Khiasma (Les Lilas), Khiasma et Archive Kabinett (Berlin) organisent deux séminaires expérimentaux à Paris et Berlin. L’événement se compose d’une série de projections et de performances audiovisuelles par des artistes émergent-e-s et des théoricien-ne-s basé-e-s en France, en Allemagne, ainsi qu’au Royaume-Uni et au Portugal. Il s’agit ainsi d’un nouveau chapitre pour le projet, conjointement pensé entre Berlin (Filipa César, Chiara Figone, Volker Pantenburg) et Paris (Louis Henderson, Olivier Marboeuf), qui se développe et s’enrichit depuis sa création lors de la Biennale Contour de 2017.
Les deux séminaires se construiront en dialogue (avec plusieurs invités en commun) mais développeront chacun des directions de recherche particulières et complémentaires. A Paris, Black Lens interrogera les technologies du visible à l’heure de la géolocalisation et tentera de dessiner des écologies minoritaires pour protéger et partager des savoirs. C’est la question de la nécessaire opacité, d’une écologie de l’ombre, qui sera mise au travail à partir d’œuvres et de conversations. Black Lens souligne l’importance de relier l’histoire de la technologie et celle des peuples dans une période de crise où la surface des océans devient un territoire de conflit et ses profondeurs des espaces d’exploitation sauvage tout autant que des scènes tragiques et des espaces de récit inaudibles.
Black Light , séminaire et workshop à Berlin, soulignera de son côté l’importance de l’héritage visuel et intellectuel d’Harun Farocki – également évoqué à Paris – et de son approche matérialiste critique des technologies de l’image, en collaboration avec Volker Pantenburg du Harun Farocki Institute. Avec la complicité de la théoricienne brésilienne basée à Vancouver Denise Ferreira da Silva, Filipa César, Louis Henderson, Olivier Marboeuf (directeur de Khiasma) et Chiara Figone (directrice d’Archive Kabinett) proposeront trois jours de projections, lectures et ateliers autour de la question de la justice sociale issue de la situation postcoloniale. Quels sont les héritages des Lumières en termes d’organisation sociale et économique des droits et des propriétés ? Comment les déconstruire en montrant combien la lumière radicale de la Raison est hier, comme aujourd’hui, une mise en récit d’un système d’appropriation et de domination. En s’inspirant des théories et pratiques féministes, comment construire des espaces de bienveillance et de collaboration capables de sortir d’un système violent qui épuise les ressources disponibles.
- 29-30.03.2018 : Séminaire „Black Lens“ à La Colonie et au MK2 Beaubourg, Paris
- 28-30.06.2018 : Workshop „Black Light“ Archive Kabinett Berlin
- 24-26.10.2018 : Séminaire „Black Light“ Archive Kabinett Berlin
- 25.10.2018, 19h : Screening „Odyssey“ de Sabine Groenewegen et Lecture de Jörgen “Unom” Gario, discussion public, Archive Kabinett Berlin
- 26.10.2018, 20h, Archive Kabinett Berlin : Discussion public avec les participants de l’atelier Phanuel Antwi, Eric de Bruyn, Mustafa Emin, Kodwo Eshun, Emma Haugh, Louis Henderson, Suza Husse, Quinsy Gario, Natasha Ginwala, Raphaël Grisey, Sabine Groenewegen, Bettina Malcomess, Diana McCarty, Doreen Mende, Jota Mombaça, Arjuna Neuman, Rachel O’Reilly, Camilla Rocha Campos, Krista Belle Stewart, Wendelien van Oldenborgh, Anjalika Sagar, Susanne M. Winterling, Moro Yapha, Marika Yeo et Vivian Ziherl:
1- Records / Archives, Technologies of the Eye, the Sonic
2- The Global Condition, Raw Materialism, Inscriptions,
Extractivism, Transplants
3- Collective practices, Body, Voice, Language / Translation
Entretien:
Après Contour Biennale 8 à Malines, Gasworks à Londres et Temporary Gallery à Cologne, c’est au tour de l’espace Khiasma, situé dans la commune Les Lilas près de Paris, de présenter l’exposition Op-Film: An Archaeology of Optics réalisée par Filipa César (vit et travaille à Berlin) et Louis Henderson (vit et travaille à Paris) du 29 mars au 28 avril 2018. En prolongation de cette exposition, Khiasma (Paris) et Archive Kabinett (Berlin) ont développé conjointement un programme de séminaires expérimentaux associant lectures, projections, ateliers et performances. La première partie de ce programme s’est déroulée en France à la fin du mois de mars 2018 et la deuxième partie aura lieu à Berlin du 24 au 28 octobre.
Nous avons rencontré les initiateurs du projet, Olivier Marboeuf de Khiasma et Chiara Figone de Archive Kabinett, et nous leur avons posé quelques questions.
Pouvez-vous nous décrire brièvement comment vous est venue l’idée, à Contour Biennale 8 en Belgique l’année dernière, d’une coopération franco-allemande autour de la présentation de Filipa César et Louis Henderson?
Olivier Marboeuf Nous nous connaissions déjà et partagions de nombreuses affinités, autant sur le plan artistique que dans le champ des théories critiques et notamment sur les différentes façons de donner à voir et de défaire les structures de pensée et les formes héritées de l’histoire coloniale occidentale. Plus généralement nos structures partagent un intérêt pour le politique, non pas seulement comme un sujet, mais dans la manière dont il se traduit concrètement dans l’écologie de nos professions. Cela nous a donné envie de renforcer nos collaborations autour d’un projet impliquant des artistes avec lesquels nous avions par ailleurs déjà chacun réalisé des projets de différents formats ; des publications, des rencontres publiques, la production d’œuvres.
Chiara Figone Cette rencontre s’inscrit dans un engagement et un processus à long terme. Conscients des entrelacements culturels, de la circulation des mondes et de la nécessité d’action transnationale – à un moment où les frontières et les murs se multiplient – nous regardons à la mise en commun, pas seulement comme objectif mais aussi comme pratique. Nous pensons que la production de pensée peut s’opérer à partir d’un espace de partage alimenté par des relations de confiance mutuelle. A travers nos collaborations nous essayons d’envisager des nouvelles méthodologies et d’imaginer de nouveaux langages.
D’où vient votre désir d’accompagner l’exposition de cette dimension d’échanges et de discussions ?
Olivier Marboeuf Le format du séminaire s’est déplacé ces dernières années de la sphère académique vers la sphère artistique. La scène de l’art – les artistes mais aussi les curateurs et les institutions qui les accompagnent – s’est saisie de ces temps pour en faire des moments de pensée collective, moins formatés que dans le contexte universitaire, qui permettent d’expérimenter des manières de faire ensemble. On peut dire que ce mouvement participe du désir de rompre l’isolement et de s’éloigner de la figure héroïque de l’artiste qui inventerait tout, tout.e seul.e. Ils permettent aussi aux créateurs de partager des formes en cours et de recueillir des retours dans un contexte privilégié. Pour les universitaires et les chercheurs, ces moments sont aussi plus libres et permettent de s’essayer à d’autres formes d’écriture et de transmission. Les pratiques du séminaire qui nous intéressent reposent aussi sur la construction d’alliances transnationales inscrites dans le temps entre les artistes, les théoriciens mais aussi les lieux. Black Lens / Black Light est à ce titre un bel exemple.
Chiara Figone Dans le cadre de notre pratique, le format de l’exposition est d’abord conçu comme un territoire de recherche, un espace pour la pensée et l’action, vivant, et envisagé comme le terrain d’un dialogue entre les différents participants. Le format du séminaire se situe dans le prolongement de cette conception et dialogue avec nos activités d’édition. L’approche transdisciplinaire choisie nous permet d’agir en dehors d’un espace académique clôt et de pouvoir imaginer des formats mixtes et alternatifs par rapport au système en place.
Ce format vous permet aussi d’aborder de deux manières très différentes les questions soulevées par l’exposition sur l’optique et l’influence des nouvelles technologies. Pourriez-vous expliquer vos différentes approches?
Olivier Marboeuf Souvent derrière des expositions comme OP-Film, il y a un vaste travail de recherche qui disparaît fatalement un peu au moment où les œuvres prennent forme entre les mains des artistes. Filipa César et Louis Henderson avaient collecté énormément de documents et ouvert de très nombreuses pistes pour réaliser le film Sunstone et concevoir tout le dispositif qui l’accompagne dans l’exposition. Op-Film nous a donc offert une forme de schéma directeur du séminaire Black Lens. Le mettre en forme a consisté à tirer les fils des questions soulevées par César et Henderson et à les nourrir par des invitations faites à d’autres artistes et théoriciens. Ces questions s’articulent notamment autour d’une approche critique des nouvelles technologies de vision et de production des images du réel. C’est un endroit qui interpelle forcément les artistes visuels qui tentent de créer à leur tour des récits alternatifs et sont conscients que la représentation du monde est aujourd’hui un enjeu politique de premier plan, un terrain de lutte, un outil de colonisation des imaginaires et d’éducation à d’autres possibles à la fois. Durant le pendant berlinois du projet – qui est complété par un programme de projections à la Kinemathek de Karlsruhe – il s’agit aussi de tenter de réfléchir à des méthodologies. La participation de la théoricienne Denise Ferreira da Silva et de son programme de l’Université de Vancouver (Canada) permet de penser les questions de la violence coloniale et de l’économie de la visibilité dans une perspective de justice sociale. Le séminaire prend donc à la fois une forme voisine de celui de Paris mais s’intéresse à la manière de faire vivre dans le temps ce type de rencontres sur différents territoires. Il a donc une dimension également stratégique et doit poser des bases pour la suite.
A qui, et à quoi, devons-nous nous attendre pour la fin du mois à Berlin ?
Olivier Marboeuf Ce sera un moment de partage public de professionnels qui s’inquiètent de la situation culturelle, politique et matérielle en Europe et plus largement dans les pays développés. Et notamment de l’installation d’un discours raciste, xénophobe et sexiste. Le désir de construire des lieux sûrs sera évoqué comme la recherche d’alternatives à un art dédié au marché néolibéral. L’importance de travailler en alliance avec les Suds sera également une priorité et notamment avec les continents africain et sud-américain. Mais nous verrons aussi des films en cours, des performances, des formes qui cherchent un autre langage pour dire le présent que nous vivons.
Chiara Figone Lors de ce moment d’échange, nous allons travailler sur plusieurs plans. D’une part, nous allons réfléchir ensemble sur les modalités de formation d’un réseau de recherche et de production transnationale tout en créant, d’autre part, des ouvertures vers le public. Nos conversations interrogeront le monde contemporain, en soulignant certains aspects systémiques : penser le capitalisme comme un système fondé sur un processus de racialisation et donc indissociable des différents formes du racisme; la pensée moderne eurocentrique comme une part fondamentale de ce régime de pouvoir; la colonialité du pouvoir comme une dynamique qui se poursuit au travers de certain modèles économiques, politiques et formes de production de savoirs. Nous allons tracer des trajectoires qui auront différents moments de restitution dans l’espace et le temps, à court et à long terme.
Merci beaucoup pour cette interview, nous sommes impatients d’assister aux événements à venir à Archive Kabinett à Berlin!
DATES
- 29-30.03.2018 : Séminaire „Black Lens“ à La Colonie et au MK2 Beaubourg, Paris
- 28-30.06.2018 : Workshop „Black Light“ Archive Kabinett Berlin
- 24-26.10.2018 : Séminaire „Black Light“ Archive Kabinett Berlin
- 25.10.2018, 19h : Screening „Odyssey“ de Sabine Groenewegen et Lecture de Jörgen “Unom” Gario, discussion public, Archive Kabinett Berlin
- 26.10.2018, 20h, Archive Kabinett Berlin : Discussion public avec les participants de l’atelier Phanuel Antwi, Eric de Bruyn, Mustafa Emin, Kodwo Eshun, Emma Haugh, Louis Henderson, Suza Husse, Quinsy Gario, Natasha Ginwala, Raphaël Grisey, Sabine Groenewegen, Bettina Malcomess, Diana McCarty, Doreen Mende, Jota Mombaça, Arjuna Neuman, Rachel O’Reilly, Camilla Rocha Campos, Krista Belle Stewart, Wendelien van Oldenborgh, Anjalika Sagar, Susanne M. Winterling, Moro Yapha, Marika Yeo et Vivian Ziherl :
1- Records / Archives, Technologies of the Eye, the Sonic
2- The Global Condition, Raw Materialism, Inscriptions,
Extractivism, Transplants
3- Collective practices, Body, Voice, Language / Translation
L’interview a été conduite par Stefanie Steps, chargée de projets culturels Bureau des arts plastiques, en octobre 2018.